La révolution va entrainer la disparition de l’abbaye de Noyers.

Plusieurs décrets vont y concourir, d’abord le décret du 2 novembre 1789 qui déclara que les biens du clergé seraient désormais « biens nationaux » mis à la disposition de la Nation, puis en décembre de la même année, décret mettant en vente ces biens.

Saisine de l’abbaye

Des lettres patentes du 26 mars 1790 intimaient l’ordre aux municipalités de se transporter dans toutes les maisons des religieux de leur territoire pour en faire l’inventaire.

Après avoir réglé quelques difficultés de représentativité, le 25 mai 1790, la municipalité de Noyers, se transporta à l’abbaye où elle fut reçue par dom Aubry, prieur.

Après lectures des lettres patentes les représentants de la municipalité dressèrent l’inventaire de tout ce qu’ils trouvèrent à l’exception de la bibliothèque qu’ils jugèrent peu importante et mal rangée.

acte original de la saisine conservé aux archives de Sainte-Maure
original de l'acte d'expertise. Conservé aux Archives départementales. Référence :1Q661Q66

État des biens nationaux et expertise.

Quelque mois après, le 1er octobre 1790, la municipalité dressa l’état des biens nationaux sur la commune de Noyers et deux experts furent nommés pour évaluer les biens de l’abbaye :
– Jacques Louis Marie Gautier, juré expert,
– Le François  Mitran de la Morinière, marchand fermier.

Ils rédigèrent leur rapport le 20 janvier 1791.

Les biens consistaient alors en :
– la conciergerie. (Bâtiment toujours existant)
– trois bâtiments en U dans l’enceinte du monastère (dont il ne reste actuellement qu’un bâtiment perpendiculaire à la Vienne.)
– l’église abbatiale.
– un bâtiment parallèle à la Vienne où étaient le four banal, l’écurie et la salle d’audience. (Ce bâtiment nommé « le battis » sur un plan de 1883 gardera longtemps ce nom pour les habitants de Noyers.)
– la métairie abbatiale de la Bilboterie avec 25 arpents et 83 chainées (13,8 ha) de terres labourables, 12 arpents et 20 chainées (6,5 ha) de prés, 70 chainées (37 ares) de vignes, 21 arpents (11, 2 ha) de bois taillis, 50 chainées (26 ares) de friche, un enclos de 12 arpents (6,4 ha) entouré de murs, consistant en vigne, prés et terres labourables.
– la métairie du haut bourg dont la maison est en ruine. (Cette dernière est relevée dans l’état, mais ne figure pas dans l’expertise).
-de nombreux cens et rentes dues à l’abbaye et à la mense conventuelle pour 115 185 livres.
– fief et seigneurie d’Avrigny, paroisse de Ports.
– ferme de la Pommeraye, paroisse de Ports.
– métairie du Sourd, paroisse de Ports.
– métairie de la Brosse, paroisse de Marcilly.
– rentes autour de Richelieu pour 1672 livres.
– seigneurie des Granges, paroisse de Marcilly.
– ferme et seigneurie de Sauvage, paroisse de Pussigny.
– métairie du Puy Baudry, paroisse de Pussigny.
– seigneurie et ferme de la Haute Rue, paroisse de Pouzay.

Un procès-verbal des mêmes experts de mars 1791 ajoutera à cette liste
-La seigneurie de Doussay, paroisse de Marcilly.
-la seigneurie des bois Filsivon, paroisse de Sazilly.

Les experts estimèrent le tout à 259 216 livres.

 

Inventaire de la bibliothèque de l’abbaye.

Comme on l’a vu ci-dessus, la municipalité n’avait pas jugé bon de faire l’inventaire de la bibliothèque lors de la saisine de mai 1791.

Ces messieurs du directoire ne l’entendirent pas ainsi et intimèrent l’ordre  de réparer cette omission.
Aussi le 19 février 1791, le maire de Noyers, fit une nouvelle visite à l’abbaye et toujours reçu par dom Aubry, procéda à l’inventaire de la bibliothèque.
Elle contenait près de 800 ouvrages : 112 in-folio, 103 in-quarto, 575 in-octavo. La majorité de ces ouvrages étaient du 16 ou 17e siècle et un très grand nombre était en latin.

 

Le plus ancien était une « Biblia Nicolai Lisani Lugduni » de 1529.                   Original conservé à Sainte-Maure

                                                      

Recopie de l’original de la 1ere page de l’inventaire  conservé aux archives municipales de Sainte-Maure.

Aujourd’hui dix neuf février ………devant nous maire et officiers municipaux de Noyers assisté …Jean Pierre Marchant …. que nous avons commis pour notre greffier pour l’absence de notre secrétaire greffier a comparu le Pr de la  commune de cette municipalité lequel nous aurait remontré que la conséquence de la délibération de MM les administrateurs du Directoire du District de Chinon du 29 septembre et à nous adressé il estimait et requérait que nous eussions à nous transporter au Couvent des Bénédictins pour y faire l’inventaire et description d es objets qui n’ont pas été inventoriés et compris dans le procès verbal à la première date du 26 may … pour  du … procès verbal fait  être envoyé au district de Chinon à l’effet d’être pour lui statué ce qu’il appartiendra.

Sur quoi donnant au Pr de la Commune de  faire…Comparution et réquisition ci-dessus ordonnons, y faisant droit que nous transporterons à l’instant avec lui au ci-devant Couvent de Noyers et y étant arrivé aurions trouvé en ladite maison Dom Aubry ci devant Prieur

auquel nous aurions déclaré le sujet de notre transport qui nous aurait dit qu’il était prêt et disposé à nous faciliter les opérations ordonnées et ledit  Dom Aubry nous ayant observé que la bibliothèque étant l’objet qui demandait le plan de détail, il pensait que nous ferions bien de commencer par cet objet  à quoi obtempérant nous serions monté dans le dortoir et ouverture faite de ladite bibliothèque dont la clef nous a  été représentée par M. Marchant l’un des commissaires de ce district, nous en avons fait l’état ainsi qu’il fait

Infolio des différents rayons
-RP Térini commentarius an sacrum scriptiram lugduni 2 vol
-Annalium Baronii epitomia parisiorump 2 vol
-RP Joanni Minochii commentarii Tatius Scriptare lugduni 2 vol
-Ste Nonaventurae opusculum Tom 1 et 8 in unum parisiis 1 vol
-Moralis Theologia RP Stephani Bauni parisiis 1vol
-Chromia Sacrimonasterii fasinensia 1 vol    etc, etx…

Départ du dernier moine de Noyers.

Le 9 mars 1791 la municipalité fera un dernier inventaire avant que dom Aubry lui remette les clés du monastère et quitte l’abbaye.

Il fut donc le dernier moine de Noyers et désormais l’abbatiale cessa à tout jamais de résonner des cantiques qu’avaient chantés les religieux pendant 761 ans.

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Vente des biens de l’abbaye

Elle commença le 19 avril 1791 et dura jusqu’en aout 1791.

Le 6 mai 1791 l’abbatiale, la maison conventuelle, la maison et métairie abbatiale et la métairie du haut bourg furent vendus après adjudication à Jacques Sonolet, lieutenant-colonel au corps royal du génie à Paris pour la somme de 100 200 livres.

Les fermes et métairies furent vendues à différents acquéreurs pour 171 000 livres au total.

Comme on le voit les ventes précitées rapportèrent à la nation 271 200 livres nonobstant les cens et rentes dues à l’abbaye et à la mense conventuelles qui étaient estimées à plus de 115 000 livres et à leurs suites.

Adjudication de l'abbaye