Saint Gratien était considéré, après Notre-Dame, comme le protecteur de l’abbaye de Noyers.

Son corps était conservé dans une chasse en cuivre doré et émaillé.

Les religieux et les populations du voisinage ne manquaient pas de l’invoquer et de le promener en procession lors de calamités comme la peste de 1586 ou lors d’intempéries.

Trois historiens s’intéressèrent à Saint Gratien.

Abbé Chevalier 1825-1893

D’abord l’abbé Chevalier, Président de la Société Archéologique de Touraine qui traduisit sa vie à parti d’un ancien bréviaire de l’abbaye : 

« D’après une légende insérée dans un ancien bréviaire de Noyers, Saint Gratien était originaire du pays de Rouen.  Ses vertus l’appelèrent aux honneurs ecclésiastiques et il fut élu évêque d’une des cités de la Bretagne. L’époque de sa vie ne nous est pas indiquée et ses actions ne nous sont pas mieux connues. Tout ce que nous savons, c’est que le saint évêque, à son retour d’un pèlerinage à Rome, avec quelques pieux fidèles qui l’avaient accompagné, fut rencontré sur les confins de la Touraine par un parti d’infidèles, peut-être une bande de normands qui ravageaient l’Aquitaine. L’homme de Dieu donna joyeusement sa vie en confessant Jésus-Christ et périt frappé par le glaive avec plusieurs de ses compagnons. Un de ces derniers, nommé Aventin, fut transporté plus tard en Poitou, au château de Vivonne, où il fut honoré comme martyr.

Le corps de saint Gratien et celui d’un de ses compagnons demeurèrent quelque temps sur le lieu du supplice, sans être inhumés et cependant sans souffrir la moindre corruption.

C’était sur les bords de la Riolle, petit ruisseau qui se jette dans l’Esves, près de Civray.

Le curé de cette paroisse, quand la crainte des infidèles fut dissipée, s’empressa de se transporter sur le théâtre du carnage pour ensevelir honorablement les restes de l’évêque martyr. Mais, ô puissance divine, dit notre légende, jamais il ne put enlever le corps de Saint Gratien, quelques efforts qu’il déployât.

Le curé de Bournan ne fut pas plus heureux et, après une tentative inutile où la volonté de Dieu se manifestait clairement, il dut se résigner à laisser sur le sol la dépouille sacrée qu’il avait voulu honorer.

Non loin de là, se trouvait à Sepmes, une église consacrée à la Sainte Vierge.

Sur le territoire de cette paroisse vivaient deux frères, forgerons de leur état, hommes de cœur simple et droit. Une nuit, l’un d’eux eut une vision et une voix céleste le chargea de prévenir le curé de Sepmes d’avoir à transporter en son église le corps du bienheureux Gratien. Le curé, docile à cet avis, réunit une foule de paroissiens et se mit en marche vers le lieu du martyre, où il trouva gisant le corps de Saint Gratien et celui de l’enfant qui l’accompagnait.

La pieuse procession transporta avec joie ces précieuses dépouilles vers l’église, lorsque arrivés à la hauteur du cimetière, les porteurs des saints corps comprirent, à la pesanteur extraordinaire de leur fardeau, qu’il fallait s’arrêter en ce lieu.

C’est là que furent inhumés les deux corps. Plus tard, à une époque inconnue, l’église de Noyers s’enrichit d’une partie notable du corps de Saint Gratien. »

Ensuite dom Oury qui  publia en 1983 dans le tome 101 de la revue Analecta Bollandiana une étude très détaillée appelée « Le protecteur de l’abbaye de Noyers, le martyr de Saint Gratien ». Lire ici  l’intégralité de l’article.

Enfin, analysant attentivement ce texte, l’historien et archiviste Marcel Baudot estime, dans un long article paru en 1955 que la « bataille de Poitiers » aurait pu se terminer à Sepmes sur les lieux du martyr de Saint Gratien. Voir chapitre bataille de Sainte-Maure ici.

Statue de Saint Gratien dans l'église de Sepmes
Peinture découverte lors de fouilles en 1994 sur le mur d'une nef de l'ancienne église saint Ours représentant «sans doute» Saint Gratien et Saint Samson

Nulle part, nous ne trouvons trace de ce qui advint des reliques de Saint Gratien à Noyers, mais dans son dictionnaire d’Indre-et-Loire, M. Carré de Busserolle signale le corps de Saint Gratien à Sepmes d’où les reliques furent transférées à Loches en 1562 pour échapper aux huguenots.

Nous les retrouvons en 1651 dans l’église Saint Ours de Loches où se trouvait un autel Saint Gratien avec au-dessus une peinture murale le représentant et sous l’autel un tombeau.

Jean Maan, grand vicaire de l’archevêque de Tours fit ouvrir le tombeau le 22 juillet 1651.  Deux maitres chirurgiens attestèrent y trouver des ossements d’un grand corps humain et d’un enfant.

En 1654, Monseigneur Le Bouthillier, archevêque de Tours, partagea les reliques entre Sepmes et Loches où elles furent mises dans une chasse à couverture d’argent.

Sepmes conserve toujours des reliques de Saint Gratien. Elles sont exposées sous la statue de ce saint dans l’église paroissiale.

Il n’est parlé nulle part de Noyers dans les procès-verbaux d’ouverture du tombeau et de répartition des reliques !

L’église saint Ours a été détruite entre 1802 et 1811.
Si les reliques de Saint-Ours furent transférées en 1791 dans la collégiale, on ne sait ce que sont devenues les reliques de saint Gratien.